À l'occasion de la parution du troisième opus des aventures de Jean-Blaise, Jean-Blaise, papa poule, on s'est dit qu'il était plus que l'heure de vous faire découvrir les coulisses de ce formidable univers où l'on peut être tout "comonveut". Rencontre avec le duo survolté et jamais à court d'humour, Emilie Boré et Vincent, à l'origine de ce drôle de chat d'oiseau.
Comment vous est venue l’envie de travailler ensemble ?
Emilie : On collaborait tous les deux pour le même journal, Vigousse, un hebdomadaire satirique fondé par Thierry Barrigue. Vincent y faisait des dessins d’actualité (et il en fait toujours) et moi des chroniques culturelles. On se croisait surtout dans les repas de fin d’année et, le 11 janvier 2018, j’ai reçu un mail de lui à 17h30 dans lequel il me proposait « d’associer mon talent pour l’écriture à son talent pour le dessin afin de réaliser le plus beau livre jeunesse du monde » (sic). Comme je suis toujours friande de « joyeux et féconds compagnonnages » (sic aussi) et que Vincent avait l’air d’un un brave type, j’ai dit oui.
Vincent : Après la bande dessinée et le dessin de presse, j’avais très envie de réaliser un livre jeunesse dans lequel je pouvais expérimenter de nouvelles techniques. Lorsque j’ai appris qu’Emilie avait déjà travaillé en jeunesse et que je la trouvais brillante et talentueuse, je lui ai proposé cette collaboration.
Qui a eu l’idée de Jean-Blaise en premier ?
Vincent : Emilie.
Emilie : J’avais écrit l’histoire de Jean-Blaise, le chat qui se prenait pour un oiseau en 2014 mais elle dormait en rond au fond d’un tiroir. Je l’ai fait lire à Vincent qui a beaucoup aimé et qui m’a envoyé ses premiers croquis très rapidement. Et puis Jean-Blaise est devenu notre chat à tous les deux.
Pourquoi avoir choisi l’album et non pas la bande dessinée ?
Vincent : J’avais une petite expérience de bande dessinée et j’avais très envie d’essayer quelque chose de différent, dans la narration et la technique. J’avais par exemple très envie de faire ce livre en peinture, mais après quelques tentatives à l’aquarelle, je me suis ravisé et je suis revenu à la technique avec laquelle je suis à l’aise: le numérique.
Comment se déroule le processus créatif d’un album de Jean-Blaise, de l’idée de l’histoire à sa publication ?
Emilie : Pour le tome 1, tout est parti de la première phrase que j’avais écrite : « Au premier abord, Jean-Blaise avait tout du matou de compétition ». L’histoire s’est construire au fur et à mesure de l’écriture, sans préméditation, en un jet. Pour le deuxième tome, l’idée m’est venue de mon chat Corbeau qui nous rapportait des vers de terre à la maison quand il était bébé. Mais voilà qu’un matin, ce terrible fauve au pelage noir nous a déposé en bas de l’escalier une anguille, pêchée dans la mer devant chez nous. Je me suis dit « Un chat et un poisson ? Et pourquoi pas… » Et l’histoire d’amour entre Jean-Blaise et Tsubasa est née. Mais c’était sans compter sur l’ingérence scénaristique de Vincent qui s’est permis de dessiner un œuf dans une poussette dans la dernière page de l’album… Un véritable cliffhanger qui m’a forcée à inventer l’histoire de Jean-Blaise devenant papa… Et c’est encore Vincent qui s’en est mêlé en trouvant le titre « Jean-Blaise papa poule » !!! J’ai donc imaginé (avec délectation) un papa très protecteur qui a du mal à couper le cordon. En résumé, on s’émule vraiment. Vincent me demande souvent d’imaginer des choses folles car c’est ce qu’il préfère dessiner… Donc on se fait des surprises en s’envoyant le texte puis les images, c’est un excitant et joyeux ping-pong.
Vincent : C’est exactement ça: j’adore recevoir les textes d’Emilie parce que je sais qu’ils vont me surprendre. De mon côté, je cherche aussi un moyen de la surprendre parce qu’elle est la première personne à voir les images. Et j’adore avoir sa réaction à chaud. Son retour agit comme un moteur qui me permet d’enchaîner les différentes illustrations.
Le 3e tome des aventures de Jean-Blaise paraît ; comment trouvez-vous l’inspiration pour vous renouveler à chaque fois, tant dans l’écriture que dans l’illustration ?
Emilie : Notre credo est de nous amuser et nous surprendre l’un l’autre chaque fois. Le jour où notre seule idée sera d’écrire « Jean-Blaise fête Pâques », c’est qu’il faudra qu’on passe à autre chose. Mais nous avons pour l’heure quelques idées amusantes dans notre musette.
Vincent : Oui, c’est exactement ça. Et Emilie ajoute dans chaque album un nouveau personnage important. Cela permet à mon avis d’éviter la redite ou la lassitude.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre collaboration ?
Emilie : Les fous-rires.
Vincent : Oui on rigole bien.
L’humour semble avoir une grande place dans votre créativité ; pourquoi cela ?
Emilie : J’aime beaucoup cette phrase d’Herman Hesse qui écrit que « l’humour est la trouvaille splendide des êtres entravés ». L’écriture et l’humour m’aident toujours à sortir d’une ornière (l’ennui, la tristesse, la banalité, l’impuissance, etc.), c’est une véritable sortie de secours, je n’en connais pas d’autre. Si la magie marchait, je m’en servirais aussi, bien sûr.
Vincent : Je ne crois pas que mon style de dessin me permette d’envisager autre chose. Mon dessin s’accorderait par exemple très mal au polar, ou à l’horreur. C’est donc une limitation technique qui m’a amené à œuvrer dans l’humour.
Qui est le plus drôle des deux ?
Emilie : Moi, évidemment. Même si Vincent peut être drôle parfois à son insu.
Vincent : Je plussoie.