Vinciane Moeschler vient de publier son roman Little Miss Mytho dans notre collection 'Encrage'. Avec ce chassé-croisé amoureux sous haute tension, elle aborde le thème de la mythomanie. Rencontre avec une écrivaine passionnée, qui ne se laisse distraire de son processus créatif que par ses chats quémandeurs de caresses.
Comment est née votre passion pour l’écriture ?
Enfant unique, je remplissais mes moments de solitude en compagnie des mots, gribouillés un peu partout : cahiers, post-it, livres… J’ai réellement commencé à écrire vers 14 ans en rédigeant de la poésie, un peu comme des ricochets qui rebondissent dans l’eau, sans trop de prétention, comme un jeu… Puis à 25 ans, j’ai publié mon premier roman : Schéhérazade, ma folie paru aux éditions Luce Wilquin, à Lausanne. À la naissance de mes enfants j’ai fait une petite pause et après cela, je n’ai plus cessé d’écrire !
Avez-vous un rituel d’écriture ? Si oui, lequel ?
Je me lève très tôt, avec le soleil. J’aime savourer ces moments au calme. Je bois un thé à la menthe, et je m’y mets. Mes chats, étalés sur mon bureau, veillent à ma concentration (enfin pas toujours, l’écriture est parfois interrompue par des caresses addictives !!! ).
Qu’est-ce qui vous inspire en général ?
En tant que journaliste, je dirais que je m’intéresse beaucoup à l’actualité, au monde dans lequel nous vivons. Se sont surtout les gens qui me touchent, ceux de la marge, ceux qui n’ont pas toujours droit à la parole.
Comment vous est venue l’idée de Little Miss Mytho ?
J’avais envie de traiter le thème de la mythomanie au-delà des clichés et de montrer qu’elle peut-être un mécanisme de défense pour échapper à une réalité parfois problématique. Pour Laetitia, raconter des mensonges c’est s’inventer une vie atypique afin de compenser les absences de son père. Et puis, je pense qu’en tant qu’écrivaine, vivre d’autres vies, c’est aussi faire « un pas de côté ».
La narration à deux voix s’est-elle immédiatement imposée à vous ou est-elle le fruit d’une longue réflexion ?
J’ai déjà utilisé ce processus littéraire dans À corps parfait, un autre roman pour ado qui parlait de l’anorexie. J’aime diverger les points de vue, les voix narratives et faire se rencontrer des personnages aux antipodes afin de montrer comment on peut apprendre les uns des autres et s’entraider.
Qu’est-ce qui vous a le plus intéressé dans l’écriture de ce roman ?
Si j’ai situé mon histoire dans une banlieue, c’est parce que j’ai vécu douze ans à Paris et que j’ai eu l’occasion d’animer des ateliers d’écriture dans des écoles de zones dite défavorisées. J’y ai rencontré des jeunes aux parcours difficiles, où certains tentaient de trouver leur manière de s’exprimer, que ce soit dans le foot, le dessin, le rap ou la danse. C’est le cas d’Eden, un des personnages principaux du roman, un jeune graffeur d’origine syrienne, qui comme moyen d’expression tague les mots de sa révolte sur les murs de sa cité.
Quelle différence y a-t-il entre écrire à l’attention des adolescents et des adultes ?
Pour moi, il n’y en a pas beaucoup… Peut-être que la différence viendrait plus du vocabulaire, inspiré de la langue des ados d’aujourd’hui, de leur façon d’interagir, plutôt que de l’histoire elle-même. J’ai la chance d’être en contact avec des jeunes, âgé de 12 à 17 ans, à qui je propose des ateliers d’écriture dans un hôpital psychiatrique. Les observer dans leur manière de s’exprimer, de poser un regard sur le monde, m’aide à construire mes personnages… Sinon, je ne suis pas sûre de comprendre bien les différents enjeux des romans dits pour les « grands ados » et ceux dits pour les adultes. La preuve, c’est que j’ai publié récemment Alice et les autres, un roman pour adultes publié aux éditions Mercure de France et qui, à mon grand étonnement, a reçu le Prix des Lycéens ! Le thème était celui du trouble dissociatif de la personnalité, une maladie mentale que les jeunes connaissent beaucoup mieux que les lecteurs adultes, grâce réseaux sociaux et à TikTok où les témoignages sont courants.
La lecture et la musique classique occupent une place importante dans votre livre : si vous deviez choisir un roman et un morceau lesquels seraient-ils ?
Genki Kawamura, Et si les chats disparaissaient du monde (éd. Pocket)
Erik Satie, 'les Gymnopédies'.